Bientôt va paraître le recueil de nouvelles des élèves de Saint Cyran commencé en novembre dernier suite à la venue de Julie WASSELIN.
Madame WASSELIN est ancienne cavalière de Dressage et de Complet, meneuse (deux fois championne de France) puis juge et désormais écrivain, publiée chez L’Harmattan.
Non seulement elle a donné, par l’étude de ses nouvelles et les échanges avec les élèves, le petit plus pour se lancer dans l’écriture de LEURS nouvelles, mais elle les a également guidés lors de leurs premiers pas dans cette aventure.
En revenant de Saint Cyran, Julie WASSELIN écrit cette rencontre et ce travail avec les jeunes… sous forme d’une nouvelle que vous pouvez lire ci-dessous et qui vient d’être publiée dans son dernier livre : « Baroomby ».
Cette nouvelle est dédiée aux jeunes qu’elle a rencontrés.
L’enclume
À Claire, Élisabeth, Réjane et aux élèves de Saint-Cyran
Dans l’obscurité de la forge où s’étirent les ombres du feu, elle chante à sa façon, elle bourdonne, l’enclume.
La vieille juge de dressage reconvertie quelques heures en prof de français dans la classe à côté se dit que ses allures ne sont vraiment pas régulières ; ça tousse, ça béquille, ça zingue, ça trépigne et ça se fâche aussi. Elle a de bonnes foulées par instants, mais elle ne carillonne pas parce que celui qui la frappe est un débutant qui ne sait pas encore faire rebondir le marteau et obtenir qu’elle s’étourdisse gaiement.
Dommage.
Elle aurait bien aimé l’entendre encore une fois, le chant du carillon.
Il n’empêche que… de la salle où les élèves dont elle a la responsabilité s’évertuent, non sans mal, à rédiger un souvenir de leur premier cheval, de leur premier amour, de leurs premiers déboires aussi, de leur première séparation et d’incurables chagrins peut-être… il n’empêche qu’à ces rythmes imprévisibles, ses pensées se dispersent, hasardant quelques battues, un triple salto, une valse, puis, d’un trot charmant auquel elle s’abandonne, la plantent sans transition à l’arrêt ou au pas.
Elle trébuche, revient à ses copies, s’attendrit sur les têtes fléchies par le poids des premiers souvenirs… puis le stylo lui échappe et elle s’évade encore une fois vers la forge dont la cantilène lui tend les bras.
Il passe du bonheur entre la plume de ces enfants qui lui racontent une histoire et cette chanson qui les accompagne gaillardement.
Alors…
Alors, tandis qu’ils écrivent leur tout premier récit, de ces mots qu’ils n’avaient sans doute jamais songé à confier ni à personne ni à une feuille de papier, une rédaction qui, à moins d’un prodige, sera sans doute la dernière puisque lire et écrire devient si difficile à présent, tandis qu’elle rêve qu’ils y prennent goût, peut- être… elle pense aux lignes que cette enclume lui inspire, et qu’elle ajoutera à son dernier bouquin dès qu’elle sera revenue chez elle, loin d’ici.
Ces lignes qui, le temps de les écrire, lui permettent un moment d’être encore auprès d’eux, et qu’ils liront, elle l’espère, parce que c’est la seule façon qu’elle a de leur dire :
– Je vous aime et merci.
Julie WASSELIN-DEGRANGE